samedi 29 novembre 2014

L'oeuvre de la semaine


"Tino Sehgal, qui est né en Grande-Bretagne en 1976 et vit à Berlin, crée ce qu’il appelle des « situations construites » faites de séquences chorégraphiées et d’instructions orales exécutées par des «joueurs» et «interprètes» à l’intérieur de musées ou de galeries. Différant explicitement de performances, ces actions sont présentées en continuité durant les heures d’ouverture d’un musée, sur une période d’au moins six semaines. Le caractère conceptuel de cette pratique émane d’une réflexion sur ce qui constitue une œuvre d’art et d’une cristallisation de l’expérience de l’art qui, pour Sehgal, débouche sur un engagement direct, ici et maintenant, entre visiteurs et interprètes dans des situations soigneusement chorégraphiées. Le visiteur est perçu comme partie prenante de l’œuvre et peut, s’il ou elle choisit d’y participer, en transformer le déroulement du tout au tout.


Sa création la plus emblématique, Kiss, de 2002, engage un couple à réinterpréter des baisers célèbres dans l’histoire de l’art : dans une séquence minutieusement chorégraphiée en boucle de huit minutes, les deux danseurs passent sans transition d’une pose à l’autre, puis les rôles s’inversent.



L’immatérialité de l’œuvre de Sehgal découle de son antipathie vis-à-vis de l’objet et de sa conviction d’une prolifération excessive de biens dans la société occidentale. L’artiste localise spécifiquement son travail au sein d’un contexte muséal qu’il considère comme un microcosme de notre réalité économique. Lui qui a étudié la danse et l’économie politique place cette dernière au cœur de sa pratique. «Ma grande question, dont je pense qu’elle est celle de ma génération, c’est que la manière dont nous produisons aujourd’hui, la forme sociétale de l’organisation économique, ne vont pas se perpétuer, et que nous serons contraints d’affronter le problème de notre capacité à nous ajuster à ce fait. »
En considération du rejet absolu, par Sehgal, des objets manufacturés, le processus d’acquisition d’une de ses œuvres consiste en une transaction purement orale engageant l’artiste ou l’un de ses représentants, la direction, la conservation et le registrariat du musée, et un juriste. Les conditions d’acquisition et d’installation de l’œuvre sont énoncées, et ainsi mémorisées par tous les assistants ; le prix est négocié et, quand les deux parties parviennent à un accord, on se serre la main. Aucun document écrit n’accompagne cette démarche. Les conditions de présentation spécifient la rémunération de tous les interprètes en plus d’une stricte interdiction de captation vidéo ou photographique, d’impression de communiqués de presse, d’un catalogue, de cartels ou de panneaux didactiques."

Si l'on comprend bien, la démarche de l'artiste consiste à mettre en place des situations dont seul le caractère minutieusement chorégraphié permet d'en deviner la validité artistique. De plus, en interdisant toute diffusion de l'oeuvre, sous forme écrite ou photographique, l'artiste se place en opposition avec notre société hypermédiatique ou tout est enregistré, archivé, conservé. Tino Sehgal privilégie un rapport directe et réel à l'oeuvre et une transmission par l'oralité, poursuivant les réflexion d'un Walter Benjamin ou d'un André Malraux sur l'oeuvre d'Art et sa reproduction. Ainsi les photographies postées ici et trouvées sur internet, prisent par des amateurs, sont illégales et constituent un délit. 

Pour ou contre cette forme d'Art à faible coefficient de visibilité? Confronté l'avis de ces deux articles des Echos et de l'Hebdo.
Plus d'info sur les théories de Walter Benjamin ici et d'André Malraux ici




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